Résumé : Nous sommes en 1845. La Martinique est encore dominée par le système économique de la plantation fondé sur l’esclavage, un mode de production qui apparaît de plus en plus archaïque à l’heure où l’Europe fait sa révolution industrielle. Les critiques sur l’inhumanité de l’esclavage se font entendre en métropole. Les patrons de plantations s’endettent tandis qu’une usine de transformation de la canne à sucre, symbole de modernité, vient d’être inaugurée sur l’île. Issue d’une ancienne famille de planteurs, Eliza Huc sort du couvent pour retourner au domaine familial. Enfin libre, elle doit néanmoins subir l’autoritarisme de son grand-père, l’un des planteurs les plus réactionnaires de l’île. Plus lucide que son aïeul, elle comprend que le système des plantations est à l’agonie…
C’est une part de l’histoire de France qu’interrogent le scénariste Stéphane Piatzszek et le dessinateur Gilles Mezzomo. Le choix de montrer l’agonie du système de plantations à la veille de l’abolition de l’esclavage par la Deuxième république s’avère pertinent. L’esclavage – et le racisme qui légitime cette pratique – est montré sans détour dans toute sa violence, une réalité tragique qu’il ne fallait pas édulcorer. Le personnage de Volny, ancien esclave devenu planteur à son tour, est à cet égard très intéressant puisque son existence même interroge la hiérarchie raciale inhérente au système de la plantation. La jeune Eliza, bien qu’elle agisse régulièrement de manière inconséquente, suscite l’empathie du lecteur pour sa révolte contre ce système, mais aussi parce qu’elle a de la suite dans les idées…
Le lecteur suit ainsi la turbulente Eliza avec plaisir dans un premier tome riche en rebondissements. Le dessin de Gilles Mezzomo est sobre et réaliste, sans exagération malvenue, et le découpage assure une lecture fluide. Le dessinateur a également effectué un travail sérieux pour la reconstitution des décors. La colorisation assurée par Céline Labriet donne des teintes chaudes très réussies à cet album. Le choix de placer des dialogues en créole (traduit) participe également à l’effet d’immersion.
Ce premier volume offre une reconstitution réaliste et dynamique du système esclavagiste en vigueur en Martinique. Une lecture plaisante et utile pour comprendre la dynamique socio-économique qui a mis définitivement fin à l’esclavage dans les colonies françaises.