samedi 10 juillet 2021

LES MAÎTRES DES ÎLES tome 3 : la chronique des Sentiers de l'imaginaire


 




C’est dans cette période de grande mutation que prend place le troisième et dernier tome de cette saga familiale. Le scénario de Stéphane Piatzszek montre la complexité d’une époque et des liens unissant les différentes communautés vivant alors de la Martinique : des békés aux esclaves en passant par blancs et les affranchis… En mettant en scène des personnages crédibles et joliment écrits appartenant à ces différentes communautés et dont les destins vont se croiser et se télescoper, le scénariste retranscrit avec subtilité l’atmosphère tendue qui devait régner alors que le vent de la liberté s’apprêtait à souffler… La peur malsaine de perdre leurs esclaves, considérés comme des biens matériels, des uns, au désir ardent et légitime de vivre sans joug des autres, le tout sur fond de saga familial joliment orchestrée…

S’inscrivant dans une veine classique, le dessin de Gilles Mezzomo s’avère être d’une redoutable efficacité. Son encrage plein d’élégance prête vie à la formidable galerie de personnage qui portent ce récit romanesque et historique et force est de reconnaître qu’Eliza Huc, femme moderne et éprise de liberté autour de laquelle gravite l’intrigue, s’avère particulièrement touchante… de même que ce prêtre iconoclaste et bientôt défroqué qui embrasse avec fouge les idées républicaines… Rehaussée par les couleurs délicates de Céline Labriet, ses paysages sont de toute beauté et la séquence du carnaval, prélude à l’embrasement de l’île, s’avère remarquablement bien orchestrée… Difficile de croire que l’artiste est un parfait autodidacte !


Car, comme beaucoup l’apprendront en lisant cet album, la Martinique n’a pas attendu que l’application du décret du 27 avril 1848 pour abolir l’esclavage… Elle l’a conquis par la force des armes, contre vent et marée et malgré les békés soucieux de garder leurs sinistres privilège…